Action FGM/C : engager un dialogue pluridisciplinaire sur les mutilations génitales féminines

En 2017, Jasmine Abdulcadir, Sophie Alexander, et Elise Dubuc, ont réalisé le projet de recherche dans le cadre du G3 « Action FGM/C », portant sur les mutilations génitales féminines. Sophie Alexander, accompagnée de Sarah O’Neill, anthropologue greffée au projet, et Jasmine Abdulcadir, nous ont raconté leur expérience. Un constat similaire à émergé de chacun des récits : ce projet, et notamment ses congrès, a généré échanges, débats et partages essentiels à l’avancée de cette problématique.

 L’atout de cette collaboration réside notamment dans la diversité d’expertise des trois gynéco-obstétriciennes. Dr Jasmine Abdulcadir, médecin aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), est notamment responsable de la consultation pour les femmes et les filles avec mutilations génitales dans cet hôpital. Sophie Alexander quant à elle, est professeure à l’Université libre de Bruxelles. Elle a mené de nombreuses recherches en lien avec la santé de la mère et de l’enfant, notamment en situation de migration. La professeure Elise Dubuc de  l’Université de Montréal vint chapeauter le tout avec son expertise dans le domaine de la gynécologie pédiatrique et de l’adolescente. Trois axes de recherche différents, trois âges différents, mais un seul objectif : engendrer dialogues et solutions sur les mutilations génitales féminines, une thématique internationale et délicate.

« L’échange entre chercheurs est nécessaire »

Dans les pays à faibles et moyens revenus, 200 millions de femmes et de jeunes filles sont concernées. Ce nombre atteint environ 100 millions dans les pays de la diaspora. Cette problématique, en plus d’être approchée de manière très différente dans chaque pays, est en constante mouvance. La migration apporte de nouveaux défis, notamment pour les pays développés, qui doivent adapter leurs systèmes de santé. Face à ce constat, Sarah O’Neill est claire : « l’échange entre chercheurs est nécessaire ».  Par leur projet G3, les chercheuses ont justement réussi à créer ce partage essentiel, grâce à l’organisation de trois congrès d’une envergure inattendue, à Genève, Montréal et Bruxelles.

Journées internationales sur les mutilations génitales féminines (n° 1), 13-14 mars 2017, Genève.

 

Journées internationales sur les mutilations génitales féminines (n° 2), 28-29 mai 2018, Montréal.

 

Journées internationales sur les mutilations génitales féminines (n° 3), 20-21 mai 2019, Bruxelles.

 

Un regroupement d’horizons pour des échanges fructueux

Le succès des congrès fut inespéré. A Genève par exemple, 100 personnes étaient présentes. A Bruxelles, on comptait 150 participant-e-s issu-e-s des cinq continents. « On l’aurait pas fait sans le G3. [Il] a servi de démarreur ». Malgré des fonds d’impulsion ne permettant pas de couvrir la totalité de l’organisation des congrès, Sophie Alexander relève le potentiel catalyseur du G3. Au fil des congrès, de nouveaux professionnels du domaine, dont Dina Bader, sociologue de l’Université de Lausanne, se sont greffés au projet. La participation d’autres partenaires, notamment l’Organsation mondiale de la Santé, le Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles, l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes, a notamment permis l’apport de fonds supplémentaires à l’organisation de ses événements d’envergure.

 La richesse et la variété d’expertises ont été sans précédent. « Les gens sont venus de toutes les disciplines, des anthropologues, des sociologues, des ethnicistes, des soignants », précise Sophie Alexander. Jasmine Abdulcadir relève la présence d’autres acteurs, notamment des économistes, mais également des activistes. L’apport de professionnel-le-s venant des pays à haute prévalence, notamment du Mali et du Soudan, a été autant intéressant qu’essentiel.

 

« C’était très beau de voir les gens tous ensemble, qui écrivent, recherchent, travaillent sur ce sujet depuis longtemps ».
                                                                                                                                      Jasmine Abdulcadir

 

Conférences de différents acteurs, workshops, discussions et débats, les congrès furent riches en partage d’expérience. Ces échanges fructueux ont contribué à une meilleure appréhension de la thématique des mutilations génitales dans des pays comme le Canada, mais également à la recherche de solutions. « C’était très beau de voir les gens tous ensemble, qui écrivent, recherchent, travaillent sur ce sujet depuis longtemps », confie la gynéco-obstétricienne des HUG.

Et après ?

Ces différents congrès ont mené à plusieurs publications scientifiques, ainsi qu’à des des actes de colloque. De cette expérience G3 sont nées de nouvelles collaborations qui se sont pérennisées. Jasmine Abdulcadir par exemple, collabore avec Dina Bader sur le recensement de « hot topics » autour des mutilations génitales. Une autre retombée phare de ces trois conférences est l’obtention de financement pour le projet de recherche « RHCforFGC: Sharing Actions and Strategies for Respectful and Equitable Health Care for Women with FGC/M » dans le cadre du consortium GENDER-NET Plus. Ce projet, initié par Sophie Alexander, a pour but d’améliorer la prise en charge et la prévention des mutilations génitales chez les migrantes. Cette collaboration innovante dépasse les frontières du G3, puisqu’elle rassemble des chercheuses et chercheurs non seulement du Canada, de Belgique et de Suisse, dont Jasmine Abdulcadir, mais également de Suède, de France et d’Espagne.

Puisque les premières conférences ont été organisées dans des pays à revenu élevé, l’objectif phare de l’équipe du projet G3 reste évident : continuer ce cycle de congrès, cette fois-ci en Afrique, dans des pays à haute prévalence.

 

Léa Jacquat